Techniques visuelles d'analyse aérodynamiques des avions légers
Matthieu BARREAU
Professeur à l'IUT de Cachan.
L'intégralité de cet article est disponnible au format pdf dans la rubrique "publications"
"Au cours du premier vol de distance, une quelconque tubulure creva au moteur. L'huile s'échappa et coula le long du fuselage. J'étais précisément présent au moment de l'atterrissage et je vis, alors qu'elle coulait encore, que l'huile formait avec la suie de l'échappement des traînées parfaitement nettes. On pouvait constater par exemple que là où les ailes se raccordaient au fuselage, il devait y avoir encore une défectuosité aérodynamique. Sans la suie et l'huile, on ne l'aurait jamais découverte si rapidement.
"-Regardez-moi ça! criai-je alors que Kôler sortait de l'appareil. Nous allons faire immédiatement un essai de suie. Badigeonnez-moi tout l'appareil avec de l'huile. Et à droite et à gauche du moteur on projettera de la suie d'une façon ou d'une autre pendant le vol. Nous constaterons ainsi les défectuosités aérodynamiques qui existent encore..."
Extrait du livre de Ernst Heinkel, "A l'assaut du ciel", édité en France chez Plon, en 1955. Cité par Pierre Rousselot dans son livre "Avions Légers".
Le premier envol du produit de l'imagination et de l'habileté manuelle d'un constructeur amateur est une étape décisive.
C'est aussi le début d'une nouvelle phase enrichissante et passionnante: la mise
au point et la vérification des performances.
La conception d'un avion est le fruit de choix judicieux dans un grand nombre de domaines:
aérodynamique, calcul de structure, technologies diverses, entre autres. Cependant, il est rare que le compromis soit optimal du premier coup, en particulier en ce qui concerne l'aérodynamique!
La vitesse de pointe et la vitesse d'atterrissage peuvent être différentes de celles prévues. Le décrochage peut être trop vicieux.
Des techniques très simples, à la portée de l'amateur, permettent d'améliorer et de comprendre l'aérodynamique de son avion. Elles utilisent gratuitement la plus grande soufflerie du monde: le ciel!
La NASA a recensé ces techniques. Nous avons retenu ici, celles directement utilisables pour l'amateur.
I-Diagnostiques aérodynamiques à l'aide de fils de laine.
La cause principale de la dégradation des performances d'un avion provient des
décollements des filets d'air et autres traînées de culot qui engendrent un accroissement de
la traînée aérodynamique par non recompression de l'écoulement.
Il convient donc dans un premier temps de repérer les zones susceptibles d'en produire.
I-1 : Traquer les décollements aérodynamiques
La première technique utilisable (dans l'ordre de leur raffinement) est celle des fils de laine ("tuft test" en anglais). Elle consiste à observer le comportement d'une nappe de fils de laine fixés à l'aide d'adhésifs sur les parois. Un avion d'escorte ou une petite caméra permettent de recueillir un certain nombre de photos et de films.
Les zones les plus suspectes de produire des décollements et qui méritent donc d'être observées sont:
- les jonction aile fuselage
- Le rétreint sur l'arrière d'une verrière
- Les fuselages tronqués et/ou trop rajeunis
- les raccords divers: haubans, jambes de train, mâts, ...
- Les sorties d'air de refroidissement...
La localisation et la visualisation de l'étendue des décollements permettent au constructeur-pilote de mettre au point des raccords de Karman ou d'adoucir les rétreints afin d'éliminer complètement ces zones de forte traînée.
En outre, cette méthode de diagnostic permet de visualiser l'influence des différentes protubérances telles que les écopes d'air, les venturi, les antennes et la direction locale de l'écoulement. On pourra ainsi facilement orienter les écopes dans le sens du flux.
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Décollements sur une verrière bulle de Me262
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Document extrait du livre: "Me262" Cf ref. plus bas
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Quelques exemples
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Visualisation des décollements derrière le cockpit d'un Zenair "Zodiac"
Peter Chapman a procédé au repérage des décollements sur son Zodiac.
Les fils de laine situés au zénith de la verrière sont à peu près alignés avec le vent relatif. Par contre, plus en arrière, ils adoptent des directions erratiques traduisant des décollements importants.
Il est fort probable que quelques turbulateurs bien placés amélioreraient un peu la vitesse de croisière.
(Cliché du constructeur : Peter Chapman)
http://web.ionsys.com/~pchapman/ )
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Etude de l'écoulement d'intrados de fuselage sur un "Aero-Commander" de la NASA.
L'Aero-Commander 680F du centre de recherche de la NASA est présenté avec des fils de laine attachés sur les cotés et le dessous du fuselage. Il s'agit d'étudier les écoulements sur le fuselage et de vérifier qu'il n'y a pas de décollement après le maître-couple.
La photo montre la qualité du travail des aérodynamiciens sur le fuselage (pas d'angles vifs, rajeunissement progressif, pas de rétreints trop marqués). Notez la forme des nacelles motrices, de largeur constante jusqu'au bord de fuite, afin de minimiser les trainées d'interaction dues au cumul de deux zones de recompression.
(Cliché NASA)
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Mr Steven H. Wood dans un article de la revue Sport Aviation décrit les modifications qu'il a apportées à son Varieze pour en améliorer le refroidissement moteur. La principale consiste à remplacer l'entrée d'air en écope par une prise NACA sur le fond du fuselage. Une boîte à air, placée en prise directe sur l'écope NACA, a nécessité une modification de l'arrière du fuselage qui adopta une forme en poupe de bateau. Après ces deux transformations, une amélioration de 9,5 km/h fut enregistrée. Sur l'initiative de Mr Dick Rutan, une série de tests en vol fut effectuée à l'aide de fils de laine.
La photo montre un écoulement correct au niveau de la prise NACA mais des problèmes de décollements sur les carénages moteur. (Cliché Mr Steven H. Wood Sport Aviation, décembre 1980)
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I-2 : Etude du décrochage
Après ces divers diagnostics sur la traînée, une utilisation particulièrement intéressante de cette méthode est l'application à l'étude du décrochage (cartographie des décollements). Cette phase fondamentale des essais en vol vise à vérifier que le décrochage est sain et que les ailerons sont bien protégés. La technique consiste donc à couvrir toute l'aile de fils de laine afin d'observer la progression des décollements en fonction de l'augmentation de l'incidence.
Pour avoir un décrochage sain, les décollements doivent apparaître à l'emplanture puis progresser graduellement vers les saumons. Les ailerons serons protégés par les divers artifices connus (extension de bord d'attaque, vrillage etc..) afin de garder un bon contrôle en roulis, alors que la partie centrale de l'aile est décrochée, et éviter les décrochages d'ailerons qui, à basse altitude, conduirons inévitablement à la catastrophe.
L'observation des motifs dessinés par les fils de laine permet de visualiser les décollements
et de repérer facilement les zones de décrochage prématuré.
Quelques exemples
A noter comment le gonflement des bords d'attaque sur le reste de l'aile protège les zones concernées d'un décrochage anticipé.
(Cliché Seth Anderson, Sport Aviation; août & septembre 1986;)
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Noter la propagation progressive du décollement d'extrados au fur et à mesure que l'incidence augmente, signe d'un décrochage sain.
(Clichés extraites du remarquable ouvrage de Pierre Bonneau & Christian Briand : "Essais en vol"; Airpress)
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M. Hisham BOUK'HIL a eu l'obligeance de brûler un peu de pétrôle pour l'éducation des concepteurs en herbe que nous sommes tous. A l'aide de son complice Matthieu BARREAU, ils nous présentent une vidéo de trois minutes (ATTENTION 45 Mo) sur des essais de décrochages sur PA 28.
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II-Diagnostics aérodynamiques à l'aide d'huile.
II: Methode utilisée
Quand, après une étude minutieuse des motifs des fils de laine, les zones de décollements
ont été minimisées (par des méthodes correctives), on peut utiliser les
méthodes de badigeonnage d'huile ou de sublimation pour étudier, encore plus finement,
l'écoulement dans la couche limite.
Le badigeonnage d'huile permet de visualiser les phénomènes de transition
laminaire/turbulent, les décollements et la direction des écoulements de surface. La
méthode est la suivante:
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On procède à un nettoyage minutieux des ailes afin de retirer toutes les poussières qui
pourraient avoir une influence sur la couche limite.
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On applique avec un pinceau un mélange à base d'huile de moteur automobile (par exemple, Mobil 1, 10W40 qui convient très bien pour des pressions dynamiques de 1500 N/m2, c.a.d des vitesses de 180 km/h), et de pigment colorant en poudre (oxyde ferrique Fe02, de couleur
foncée, ou oxydes de titane Ti02, de couleur claire).
De la poudre de graphite, disponible dans les magasin d'art sous l'appellation "noir de fumée", ou de la poudre d'aluminium disponible chez les vétérinaires peut aussi être utilisée.
Une part en volume de pigment est mélangée avec 10 à 15 parts d'huile ce qui permet
d'avoir suffisamment de contrastes sur les photos en vol. Il est important d'éviter les
grumeaux qui pourraient être responsables d'une transition prématurée de l'écoulement. On peut éviter cela en mélangeant au préalable une petite quantité d'huile avec les pigments pour former une pâte homogène, à laquelle on ajoute le restant d'huile.
On peut aussi utiliser de l'huile de vidange qui sera naturellement colorée (et bien sale!).
Des particules de poussières risquant d'adhérer facilement sur le film d'huile, provoquant une transition prématurée de l'écoulement, le mélange ne devra pas être appliqué plus de trente minutes avant le vol.
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L'appareil décolle, rejoint l'altitude de test et vole pendant environ 30 minutes. Le film
d'huile, coloré par les pigments, s'écoule sur la paroi selon sa viscosité et la température, mais beaucoup plus rapidement dans la zone turbulente où la contrainte de frottement sur la paroi (contrainte pariétale) est la plus importante. La zone laminaire apparaît en plus foncé ou en plus clair, suivant les pigments utilisés et la couleur du revêtement de l'avion, du fait de la plus grande épaisseur du film d'huile.
On effectue quelques clichés à l'aide d'une caméra embarquée ou d'un avion d'escorte. Bien prendre soin d'avoir le soleil dans le dos du photographe afin de maximiser le contraste.
Les différentes phases de vol devront être maintenues pendant au moins 60 secondes afin que les motifs d'huile aient le temps de se former.
Pour des pressions dynamiques inférieures à 4800 Pa (soient des vitesses inférieures à 300 km/h), l'écoulement laisse assez d'huile sur la surface pour que l'on puisse étudier les phénomènes de transition et de décollement pendant au moins 30 minutes, ensuite, le contraste des photos diminue.
Pour les analyses de transition laminaire/turbulent, on a tout intérêt à fixer une bande
crantée (bande rugueuse ou de papier de verre) dans le sens de l'envergure sur une longueur limitée (50 cm), qui puisse servir de témoin pour identifier l'aspect de la zone de transition laminaire/turbulent.
Après le vol, la plus grande partie de l'huile peut être nettoyée avec un chiffon, les restes
partent avec un solvant.
Quelques exemples
Sur cette photo nous pouvons voir, au milieu de la jambe de train, une zone d'accumulation d'huile correspondant à la zone de transition laminaire-turbulent de l'écoulement.
De plus, à la jonction de la lame de train et du fuselage on aperçoit une zone de recirculation d'huile, correspondant à un décollement qui est à l'origine d'une traînée d'interaction.
(Cliché www.ez.org)
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Le badigeonnage d'huile usagée sur les surfaces d'un avion permet d'explorer le comportement de la couche limite.
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Detection de la position de la bulle* laminaire pour l'implantation de turbulateurs
Aux angles d'incidence usuels, la couche limite transite d'un écoulement laminaire en écoulement turbulent en un certain point de la corde de l'aile. Cette zone de transition est matérialisée par une bulle de re-circulation qui "épaissit" l'aile en ce point.
L'image ci contre illustre ce phénomène.
Afin de réduire la taille de cette bulle de décollement laminaire il est d'usage chez les vélivoles d'utiliser des bandes de turbulateurs qui, en provoquant la transition laminaire/turbulent, vont d'une certaine manière "organiser" le flux turbulent et presque éliminer la bulle.
Visualisation par fumées de la bulle de décollement.
(Cliché Greg Cole and Prof. Mueller; University of Notre Dame)
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Visualisation par huile de la bulle de décollement.
(ClichéBryan D. McGranahan et Prof. Michael S. Selig)
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Des amateurs américains ont mené des tests à l'huile pour déterminer la position exacte de la bulle de décollement aux différents régimes de vols de leurs planeurs.
Des badigeonnages d'huile sont effectués sur trois cordes d'intrados respectivement situées à 66, 251 et 381 cm de l'emplanture.
Nota: La position des cordes est mesurée en mètres depuis l'emplanture et les positions le long de la corde (C) sont mesurées depuis le bord d'attaque.
L'emplacement des bulles est paramétré par la position de leur bord d'attaque. |
Aile droite après un vol à 96 km/h |
Corde 0,66 m, bulle de séparation à 0,46C.
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Corde 0,251 m, bulle de séparation à 0,51C
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Corde 0,381 m, bulle de séparation à 0,51C
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Aile droite après un vol à 130 km/h |
Corde 0,66 m, bulle de séparation à 0,43C
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Corde 0,251 m, bulle de séparation à 0,48C
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Corde 0,381 m, bulle de séparation à 0,50C
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Aile droite après un vol à 130 km/h avec des turbulateurs temporaires
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Corde 0,251 m, Turbulateurs temporaires installés à 0,49C (Point médian des bulles de séparations à 96 et 130 km/h.
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Montage expérimental du winglet
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Etude de la transition laminaire/turbulent sur un Winglet
Quel effet une bande de turbulateurs a-t-elle sur la bulle de décollement laminaire (zone de recirculation) d'un profil laminaire lorsqu'elle est placée à l'emplacement de cette bulle? Comment se comporte cette bulle lorsque les turbulateurs sont placés de plus en plus en arrière de la zone de séparation?
Pour répondre à ces questions, Davis Horton, un étudiant d'Oxford a réalisé des essais d'écoulement d'huile sur un winglet de planeur.
Le mode opératoire consiste à monter à environ 75 cm sur le côté d'une camionnette, un Winglet de planeur; à enduire l'extrados d'huile de lubrification automobile, puis à faire des "vols simulés" à environ 105 km/h sur autoroute.
L'opération était renouvelée pour des positions de plus en plus reculées de la bande de turbulateurs.
La zone laminaire est identifiée par une couleur de plus en plus foncée en partant du bord d'attaque jusqu'à la bulle de décollement laminaire (zone de transition) dans laquelle stagne l'huile (zone de re-circulation, et donc d'accumulation d'huile et de pigments, augmentant le contraste sur la photo). Enfin la zone entièrement turbulente est matérialisée par une couleur claire qui s'obscurcit lorsqu'on approche du bord de fuite à cause de l'accumulation de l'huile à ce niveau.
Ces essais semblent prouver que, même lorsque la bande de turbulateurs (bande crantée) est placée à l'arrière de la bulle de décollement laminaire, elle réduit sensiblement son étendue et, vraisemblablement, son épaisseur.
Commentaires de Mr Dick Johnson
"Voilà de très intéressantes photos d'écoulement d'huile. Celle avec les
turbulateurs placés à 6 mm en amont de la bulle est excellente car elle montre que cette bulle de séparation est bien supprimée et les écoulements adhèrent bien en amont et en aval des turbulateurs.
Les autres positions des turbulateurs, au début de la bulle ou en arrière de celle-ci, ne semblent par offrir d'aussi bonnes performances, et il s'avère que l'huile est plus épaisse en amont du turbulateur sur toutes ces photos.
Peut être que l'emplacement non optimum des turbulateurs risque d'épaissir la bulle de décollement.
Un peigne de sillage permettrait d'explorer de manière plus précise la traînée afin de déterminer la meilleur position de la bande crantée."
(Cliché http://www.standardcirrus.org/)
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Turbulateurs placés à 3mm derrière le début de la bulle laminaire.
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Sans turbulateurs.
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Turbulateurs placés à 6mm derrière le début de la bulle laminaire.
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Turbulateurs placés à 6mm devant le début de la bulle laminaire.
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Turbulateurs placés à 13mm derrière le début de la bulle laminaire.
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Turbulateurs placés sur le début de la bulle laminaire.
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Turbulateurs placés à 25mm derrière le début de la bulle laminaire.
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III- Diagnostics aérodynamiques par sublimation.
La technique qui utilise la sublimation (passage direct de l'état solide à l'état gazeux) de
composants chimiques permet de repérer les zones d'écoulements laminaires et turbulents.
Elle est donc particulièrement bien adaptée pour mesurer l'étendue de la zone laminaire.
Cette méthode consiste à déposer un film très fin de naphtalène sur la surface à étudier puis à visualiser la sublimation de ce film.
La méthode est la suivante:
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On procède à un nettoyage minutieux des ailes afin de retirer toutes les poussières qui
pourraient avoir une influence sur la couche limite.
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On dissout de la naphtaline dans un solvant adapté (par exemple du trichloréthylène, proportion 1 pour 8 en volume).
- A l'aide d'un pistolet à peinture réglé entre 1,5 et 2 bars et équipé d'une buse plate, on pulvérise la solution sur l'aile.
Les consommations normales sont d'environ 0,3 à 0,5 litre de mélange par mètres carrés, ce qui donne une couche de naphtalène d'environ 5 à 10 mm.
On laisse le solvant s'évaporer. Une fine couche de naphtalène solide apparaît alors en surface.
- Pour éviter des transitions laminaire/turbulent prématurées, causées par des particules chimiques un peu trop grosses, on peut balayer la surface avec une brosse douce.
Quand l'avion effectue un vol test, les régions de frictions importantes (écoulement turbulent) entraînent une sublimation rapide du naphtalène alors que sur les zones laminaires, la sublimation est beaucoup plus lente et laisse une pellicule blanche en surface (pour des températures comprises entre 0 et 30° et des vitesses inférieures à 450 km/h, les temps de sublimations varient entre quelques minutes et plusieurs dizaines de minutes).
On peut donc repérer les imperfections qui provoquent une transition prématurée.
IV- Détection acoustique de la transition laminaire/turbulent.
Cette méthode complémentaire des observation d'huile et de naphtalène permet de détecter en direct les variations de positions de la transition laminaire/turbulent. On peut ainsi étudier l'influence de la pluie, du brouillard ou des insectes sur la couche laminaire.
La technique consiste à écouter la couche limite par l'intermédiaire de capteurs de pression totale. La couche laminaire étant bien plus silencieuse que la couche turbulente, on peut identifier la zone de transition.
La méthode est la suivante:
- On utilise des tubes capteurs de pression totale fixés à l'aide d'adhésifs sur les parois des ailes.
Les tubes seront décalés de plus ou moins 5% de la corde locale autour de la position supposée de la transition laminaire/turbulent.
Les tubes capteurs de pression totale sont des tubes d'acier inoxydable de 15/10eme de diamètre extérieur dont l'une des extrémités est écrasée en forme d'ovale dont le diamètre du petit axe n'excèdent pas 4/10eme de millimètre. Ces tubes sont ensuite branchés sur des flexibles en caoutchouc (de 2 millimètre de diamètre extérieur et de 15/10eme de diamètre intérieur) reliés à un peigne de sélection dans la cabine.
Un tube muni d'une oreillette peut être branché sur ce peigne de sélection et permet à l'opérateur d'écouter le tube de son choix.
Un bon casque (-20 dB) procure une atténuation suffisante des bruits environnants.
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Les données acoustiques sont enregistrées manuellement en vol.
La couche limite laminaire est plus silencieuse que la couche limite turbulente. Il faut donc étalonner chaque tube. A chaque vitesse de vol, les trois tubes situés sur la même corde sont écoutés un à un. Quand un tube est sélectionné sur le peigne, le signal sonore est étaloné en effectuant une manoeuvre qui provoque un facteur de charge de 2G (par exemple un virage à 60° d'inclinaison). Cette manoeuvre à pour effet d'augmenter l'incidence de l'aile et de provoquer une avancée significative de la zone de transition devant le tube sélectionné.
De cette manière chaque tube peut être étalonné indépendamment de sa réponse acoustique particulière.
- Il suffit, une fois l'avion revenu en palier, d'écouter à nouveau les trois tubes situés sur la même corde pour détecter la position de la zone de transition.
Conclusion.
La difficulté dans la compréhension des phénomènes aérodynamiques est liée à l'invisibilité de l'air. A défaut de corriger les déficiences aérodynamiques de son avion l'amateur curieux utilisant les techniques visuelles d'analyse aérodynamiques décrites précédemment, pourra voir l'invisible et comprendre un peu mieux l'incompréhensible !
Matthieu BARREAU (Mai 2003)
*Note: Contrairement à l'usage qui veut que l'on traduise "laminar bubble" par "bulbe de décollement laminaire", nous avons choisi d'utiliser le français "bulle" bien plus parlant à nos yeux.
sources pour en savoir plus:
- "Visual Techniques for Analyzing Aircraft Performance"
Joseph J. Cornish du département d'aérophysique de l'université du Mississippi.
Sport Aviation (décembre 1960).
- "The use of oil for in-flight flow visualisation"
Robet E. Curry; Robert R. Meyer, jr., Mauren O'Connor.
NASA technical Mémorandum 84915, revised january 1984.
- "Flow visualisation techniques for flight research"
David F. Fisher, Robert R. Meyer, Jr.
NASA technical Mémorandum 100455; octobre 1988
- "Natural Laminar Flow Experiments on Modern Airplane Surfaces"
Bruce J. Holmes, Clifford J. Obara, Long P. yip
NASA technical paper 2256; juin 1984
- "Laminarité et aviation légère"
Alain Bugeau.
- "Me 262"
J. Richard Smith, Eddie J. Creek, Tom Tullis (dessinateur), Arthur L. Bentley (dessinateur)
Ed. Classic Publication; (Juillet 2002)
www.classic-books.co.uk
ISBN: 1903223008